LE POUVOIR MAGIQUE DE LA SANZA DE FRANCIS BEBEY
« UNE ÉPATANTE MODERNITÉ » Télérama
Après
la découverte hallucinante et triomphale de la compil African Electronic Music, c'est une nouvelle facette de Francis
Bebey qui est aujourd'hui mis à l'honneur dans cette compilation. Musique
mentale et étrange, une fois de plus Francis Bebey ce génie du bricolage sonore,
vous surprendra.
Le fils de Francis Bebey nous fait part de
l’arrivée de la sanza dans la nébuleuse familiale…
« La première fois que j’ai vu une sanza, elle était tout
simplement posée chez nous, sur un meuble du salon-salle à manger familial – un
espace qui se transformait aussi, quotidiennement, en studio d’enregistrement
pour notre père –. L’objet tenait d’ailleurs plus de la boîte que de
l’instrument, un instrument mystérieux, et qui était arrivé chez nous comme
arrivaient pas mal de choses, un peu par miracle. Nous savions que notre père
avait le goût de collectionner tout ce qui pouvait produire du son. J’ignore
d’où il avait rapporté cette sanza. C’était un modèle un peu brut, clairement
artisanal, avec seulement quelques lames. Je ne pense pas qu’il ait vraiment
joué de cette sanza-là. Les sonorités qui en sortaient me semblaient
particulièrement bizarres, désaccordées pour mes oreilles de jeune musicien
formé à la musique classique occidentale. Car, comme mes frères et sœurs,
j’avais appris le piano. J’avais du mal à comprendre comment on pouvait
supporter des sonorités pareilles et la vérité, c’est que tout cela, cet
intérêt de notre père pour “d’autres sons” ne m’intéressait pas.
J’allais au lycée à l’époque, c’était la toute fin des années
1970, et mes projets ne me tournaient pas du tout vers la musique.
J’envisageais de passer mon bac et de devenir cuisinier. Au début des années
1980, la musique a commencé à m’attirer. Je n’étais toujours pas décidé sur ma
carrière professionnelle. Je me contentais de faire des études “sérieuses”
d’anglais, de fréquenter les boîtes de jazz des Halles, à Paris, où je me
lançais parfois à faire des “bœufs”. Puis j’ai créé mon premier groupe avec des
musiciens professionnels auxquels j’avais caché mon âge et mon manque
d’expérience.
La France s’ouvrait tout juste aux “musiques du monde”, des
musiciens de toutes origines se produisaient à Paris, c’était une super époque.
Mon père nous a sollicités, mon frère Toups et moi, pour l’accompagner lors de
quelques concerts. Nous avons, en particulier, fait une tournée en Tunisie
ensemble, à l’occasion du Festival international de Carthage, en 1983. C’était
l’époque où son succès s’étendait dans le monde francophone. Tout le monde
attendait d’entendre ses chansons d’humour comme “Agatha” ou “La condition
masculine”. Mais dans son coin, il poursuivait ses recherches, il s’intéressait
à la musique électronique, à la sanza, aux polyphonies pygmées…
Un jour, il m’a mis une sanza dans les mains, sans en dire plus.
Il fallait comprendre le message : “Voyons ce que tu peux faire avec
ça !” Et là, j’ai véritablement découvert quelque chose. En explorant
l’instrument, en jouant, j’ai dépassé le côté “imparfait” des sons et me suis
mis à trouver le résultat fascinant. Jouer de la sanza, c’est rencontrer un
univers qui te transporte de manière très zen et envoûtante. Les sonorités
m’évoquent un arc-en-ciel, avec la pluie en même temps que le soleil. Quelque
chose de très paisible. C’est vraiment un instrument qui permet de jouer la
vie. Entre mon père et moi, la sanza est aussi l’instrument que, parmi tous
ceux dont il a joué, nous avons partagО, car je suis pianiste, il était
guitariste. Et voilà entre nous, avec nous, un instrument éminemment africain,
que je partage aussi avec mon frère musicien, Toups. Notre père aimait raconter
l’une des légendes de la sanza : l’instrument qui réussit à anéantir
l’ennui que ressent… le Créateur lui-même ! L’instrument qui donne la vie
au monde, aux êtres et aux choses.
Je n’ai pas participé à l’élaboration des différents disques que
mon père a consacrés à la sanza. Il faisait ça, en quelque sorte dans son
laboratoire. Mais aujourd’hui, je ne peux imaginer de donner un concert sans
recourir à la sanza. Le piano est toujours présent, pour que les gens ne
perdent pas l’équilibre et ne se demandent pas quel est ce truc bizarre qui
leur passe dans les oreilles ! Mais le côté dérangé et dérangeant de la
sanza me paraît intéressant. Et il se produit toujours quelque chose, entre le
public et la sanza : en réalité, les gens sont ravis.
C’est sans doute le secret de cet instrument, son pouvoir
bénéfique et… magique ! »
Patrick Bebey
Titres inclus dans cet album :1
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Sanza nocturne 05:51
2
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Bissau 03:39 3
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Sanza Tristesse 03:45 4
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Africa Sanza 04:59 5
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Forest Nativity 04:23 6
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Sunny Crypt 02:14 7
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Binta Madiallo 06:42 8
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Tumu Pakara 04:45 9
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Di Saegri 06:32 10
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Ngoma likembe 05:08 11
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Guinée 09:01
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